Après Chris Rock et son film sur le complexe des noirs vis-à-vis de leur chevelure crépue, c’est au tour de Bill Duke de bousculer les préjugés que peuvent avoir des noirs vis-à-vis d’eux même avec « Dark Girls ».
Ce film documentaire n’est même pas encore sorti qu’il suscite déjà l’émotion des deux côtés de l’Atlantique avec sa bande annonce. J’ai ainsi pu lire ici et là au détour de mes pérégrinations sur la blogosphère « ce genre de vidéo me brise le cœur… » ou encore « j’étais en larmes à la fin ».
Trêve de longs discours, jetez-y un œil :
Un reportage qui dévoile l’intériorisation de clichés racistes par ceux qui en sont victime
Tout comme l’on fait avant lui avec Toni Morrison avec The Bluest Eye, Spike Lee avec School Daze ou Chris Rock avec Good Hair, Bill Duke nous montre les effets destructeurs que peuvent avoir le racisme sur un individu. Il s’attele plus particulièrement aux discriminations subies par les femmes à la peau noire foncée. Par des successions de témoignages, elles nous donnent à voir leur mal être étant petite et dans leur rapport aux hommes.
Le célèbre test de la poupée est à nouveau réalisé. Pour ceux qui ne connaissent pas, le test consiste à donner deux poupées à des petites filles noires. La seule chose qui diffère entre les deux poupées est la couleur de la peau. Une série de questions est posée aux petites filles et voici leurs réponses :
- La poupée la plus belle ? La poupée blanche
- La poupée la plus intelligente ? La poupée blanche
- La poupée qui te ressemble le plus ? La poupée noire
Au vu du résultat de ce test, on imagine aisément la piètre image que ces fillettes ont d’elles mêmes et l’importance de dépasser les préjugés sur la beauté.
Un problème purement afro américain ?
Ne vous laissez pas berner par le succès d’Obama ou de Beyonce. Ce pays n’a rien d’une société post raciale. Il se caractérise notamment par l’existence d’études racialistes scientifiques qui prolifèrent et font régulièrement la une en pointant les différences qui existeraient entre blancs et noirs.
Dernière étude en date, une enquête d’un psychologiste dénommé Satoshi Kanazawa qui explique que les femmes noires sont objectivement moins belles que les femmes de toutes les autres races. Ceci s’expliquerait entre autres par le fait que la « race noire » existe depuis plus longtemps que les autres. D’où de nombreuses mutations génétiques peu attractives en plus de leurs autres tares (plus de testostérone, plus grasses…). Cet article à caractère pseudo scientifique publié il y a quelques semaines oublie juste (comme tant d’autres) de dire que les hommes sont identiques à 99,9% et que la notion de race s’applique surtout aux animaux domestiques. Cette étude hautement contestable n’est qu’un exemple de la manière dont le racisme est encore trop souvent scientifiquement justifié aux USA. On comprend bien que le contexte dans lequel évoluent les afro-américains n’aide pas à une pleine acceptation de soi d’où ce reportage.
Mais à mon sens, il ne s’agit pas que d’un problème touchant la communauté noire américaine puisque les réflexions du reportage, je les ai entendues prononcées par des noirs de tous pays. D’ailleurs, la vidéo a marqué beaucoup de gens ici même et on ne peut ignorer la présence des nombreux produits promettant d’illuminer si ce n’est éclairci le teint des femmes noires.
J’ai déjà entendu certains noirs voulant se distinguer d’autres noirs plus foncés en exprimant à leur égard un certain dédain. Que des personnes noires soient dévaluées par d’autres noirs en raison de leur couleur plus ou moins foncé je trouve cela aberrant et pourtant, cela existe encore. Même si ce phénomène est minoritaire (l’est il ?), il montre que parmi les populations noires trop de personnes se révèlent être leurs propres bourreaux en intériorisant des idées racistes venant du temps de l’esclavage et de la colonisation : Comment peut-on haïr une partie de soi-même et espérer prospérer ou s’épanouir ? Au final, ces personnes en intériorisant le racisme se discriminent elles mêmes et deviennent les causes de leur mal être.
Des idées d’un autre temps perpétués par les victimes d’autrefois
Que de telles idées subsistent au sein des populations noires au 21ème siècle est pour moi un grand mystère. Le racisme entre les populations existe, c’est un fait. Mais ce que je trouve frappant dans cette forme de racisme, c’est qu’elle est perpétuée par les victimes elles mêmes qui acceptent sans broncher les stéréotypes/stigmatisations, les intériorisent, complexent (…) et deviennent les bourreaux d’autres, « plus noirs ou plus crépus » qu’ils ne le sont. Le 21ème siècle a gardé les séquelles de la colonisation et de l’esclavage et c’est ainsi qu’elles se manifestent.
Un début de prise de conscience
J’espère que ce genre de films permettra une certaine prise de conscience et qu’on entendra moins de phrases type « un tel est noir … noir !» ou encore « un tel est beau malgré qu’il soit très noir » (…).
Le film de Chris Rock a bien permis au final une meilleure acceptation des cheveux crépus dans la communauté noire américaine. Pour preuve le film My nappy roots sorti récemment. Alors, peut être que dans une dizaine d’année, les fillettes auront toutes compris que la beauté, l’intelligence, la gentillesse (…) vient dans toutes les nuances de couleur. Et alors on refera le test de la poupée et la poupée noire aura cette fois ci plus de succès. D’un archétype de beauté dominant, on passera à l’acceptation des multitudes de beauté qui peuplent cette planète !