Alors qu’Harvey Weinstein vient d’être de nouveau inculpé pour agression sexuelle, que le mouvement #MeToo de 2018 a réveillé les consciences et que l’égalité Homme – Femme est de plus en plus une réalité de droit partout dans le monde, il est légitime de se demander si le féminisme a toujours raison d’être. Pour éclairer ce sujet, je vous propose un tour d’horizon de la diversité des femmes dans le monde.
Qu’est ce qu’une femme ?
Avant de commencer, je vous propose de poser les basiques de l’identité féminine d’un point de vue strictement biologique.
Sur un plan génétique, la femme est un individu porteur des chromosomes sexuels XX. À partir de la puberté et jusqu’à la ménopause, elle sécrète en grande quantité des hormones femelles (les œstrogènes et la progestérone) et en moindre quantité des hormones mâles (les androgènes qui comprennent la testostérone). Ces hormones agissent sur les différents organes et mécanismes corporels : croissance de la poitrine, organes reproductifs, répartition des graisses, pilosité, muscle et cerveau.
Pour poursuivre dans la famille des constats biologiques sur ce qu’est une femme, arrêtons-nous sur son rôle dans la reproduction de l’espèce humaine. Dans un schéma reproductif, la femme est mère nourricière, car c’est elle qui a la charge de porter le fœtus durant 9 mois puis de l’allaiter. Pendant toute cette période, la femme est plus vulnérable que le géniteur. De cette réalité biologique, une condition féminine émerge. La femme, dans la reproduction, doit davantage se dédier au nourrisson et au foyer que l’homme.
À partir de ces différences biologiques, des caractéristiques cognitives et comportementales sont attribuées aux femmes. Le genre féminin s’appuie sur des réalités naturelles pour s’établir. Les hormones femelles agissant sur le cerveau feraient des femmes des êtres plus sensibles. Le manque d’hormones mâles rendrait les femmes moins aptes aux repérages dans l’espace. La répartition musculaire et graisseuse du corps féminin le rendrait moins fort. « Moins », « Plus » en référence à son alter ego le mâle qui a bien sûr de son côté les plus : fort, apte aux rotations mentales…
Je pense que vous commencez à voir poindre la pointe d’ironie. Arrêtons-nous là pour la définition. Nous y reviendrons après avoir exploré la diversité des femmes dans le monde.
Diversité culturelle des femmes
La culture dont nous parlerons ici est celle vue comme un système de normes, valeurs et modalités d’expression produit par un groupe pour s’adapter à son environnement. La culture est mouvante et s’apprécie à différentes échelles : entité politique, géographique, familiale, ethnique.., A titre individuel, nous sommes tous les héritiers d’un ensemble de groupes culturels. Quand on parle de diversité culturelle, il faut garder à l’esprit que nos appartenances sont multiples et que les cultures sont vivantes. Il est dangereux de figer autrui dans un bloc culturel immuable. La tradition n’est pas toujours bonne conseillère. La culture nous enracine pour mieux nous permettre de nous élever. Je place l’épanouissement individuel des hommes en connexion avec la Nature au-dessus de toute autre considération. La culture doit rester le compas qui nous lie aux autres, nous aide à faire face aux difficultés de notre existence et à communiquer. Nous ne sommes pas des statues cristallisées dans nos actions par un lugubre conservateur de musée au nom d’une prétendue authenticité culturelle. Nous sommes des êtres vivants héritiers et créateurs d’une culture dynamique qui dialogue et se métisse au contact des Autres.
Pour plonger dans la diversité culturelle des femmes dans le monde sans tomber dans le piège de la folklorisation, je vous propose de leur laisser la parole. Et cela tombe bien, car Titouan Lamazou, le célèbre carnettiste a parcouru le monde pour recueillir la parole des femmes du monde.
Un autre grand voyageur, Yann Arthus Bertrand s’est lancé un défi similaire. Avec Anastasia Mikova, il a fait le tour de la planète pour donner la parole aux femmes. Il en résulte un magnifique film regroupant le portrait de dizaines de femmes de par le monde.
Tous les hommes quelle que soit leur appartenance culturelle ont une grande part d’universalité. Des constantes anthropologiques transcendent les particularismes culturels. On touche là à la nature de l’Homme. La part de transculturel dans ces différentes prises de parole est la soumission des femmes aux hommes. La majorité des pays du monde fonctionnent selon un modèle de patriarcat. Dans ce mode d’organisation sociétal, ce sont les hommes qui détiennent l’autorité. En fonction des pays, ils la détiennent de droit, car c’est inscrit dans la loi ou par tradition, de manière implicite. Malheureusement, c’est ce trait culturel se rapportant aux femmes qui est l’un des plus communément partagé de par le monde.
Je n’ai jamais cessé, en effet, de m’étonner devant ce que l’on pourrait appeler le paradoxe de la doxa : que l’ordre établi, avec ses rapports de domination, ses droits et ses passe-droits, ses privilèges et ses injustices, se perpétue en définitive aussi facilement… Et j’ai aussi toujours vu dans la domination masculine, et dans la manière dont elle est imposée et subie, l’exemple par excellence de cette soumission paradoxale, effet de ce que j’appelle la violence symbolique, violence douce, insensible, invisible pour ses victimes mêmes
Pierre Bourdieu, De la domination masculine
Diversité des corps féminins
Partout dans le monde, le corps des femmes est ultra sexualisé. Un peu comme si le corps des femmes avait pour seule fonction la reproduction et le plaisir de ces messieurs.
Pourquoi ? Dans les sociétés patriarcales, les femmes trouvent leur place dans le collectif au travers de leur rôle d’épouse et de mère. Dans un tel contexte, trouver le bon mari revêt une importance fondamentale. Même si cette dépendance à l’homme devient moins caricaturale avec le temps, elle demeure très présente aujourd’hui encore. À cause de cet assujettissement, la femme a une tendance plus forte que l’homme à chercher la validation de son apparence dans le regard d’autrui. C’est là qu’intervient une énième prétendue caractéristique féminine : superficielle.
Ce qui entretient cette tendance qui aurait dû s’estomper davantage avec les avancées du féminisme, c’est le conditionnement dont elles sont encore victimes. Les femmes subissent quotidiennement des injonctions pour arborer un corps proche des archétypes de la beauté. Des hommes, mais aussi d’autres femmes s’arrogent le droit de juger l’apparence des femmes sur ce critère d’attractivité. Partout dans les médias s’affiche un modèle désirable de corps féminin : peau lisse et imberbe, silhouette fine, mais pas trop, poitrine moyenne bien tenue, cheveux longs et soyeux..
Et pourtant, les corps des femmes sont différents des uns des autres. En conséquence, les femmes doivent adopter des pratiques allant à l’encontre de leur bien-être pour s’approcher de l’idéal qu’on leur martèle depuis l’enfance. Parmi ces stratégies on peut citer l’épilation, les soutiens-gorges à armature inconfortables, les régimes à répétition, la chirurgie esthétique…. Mais, ces efforts ne permettent pas d’atteindre l’idéal, car il est inatteignable. Il en résulte pour beaucoup un sentiment de mal être mêlé de frustrations et manque d’estime de soi.
Dans le monde moderne, le corps de la femme se mesure à l’aune de la séduction, dans le regard de l’homme et s’évalue d’après son niveau de désir. Le corps féminin doit être désirable sans trop en montrer pour ne pas attiser outre mesure les pulsions sexuelles masculines.
Avant de finir avec la question du corps des femmes, j’aimerais m’arrêter un instant sur le cas particulier du regard des hommes sur le corps des femmes descendantes des anciennes terres coloniales. Parce que dans le contexte colonial, s’est dessiné un rapport particulièrement nauséabond de l’homme blanc à la femme indigène. Nous sommes là à l’intersection de deux discriminations qui ont conduit à certains des pires crimes contre l’humanité. La femme n’est plus que dominée par l’homme, elle est possédée par lui. Les femmes indigènes, entièrement dénuées de leur humanité et exotisées à outrance pouvaient impunément servir de jouet sexuel aux hommes.
S’instille alors l’idée qu’il existe une forme « naturelle » d’hospitalité sexuelle aux colonies. Cette vision du double fantasme exotisme-soumission, qui existe très tôt dans la littérature, le dessin, la gravure, la peinture, est consolidée, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, par l’essor de la presse, de la photographie, de la radio et du cinéma. Et tout cela est enfin renforcé par l’inégalité raciale. L’homme blanc se pense en seigneur et maître et exige une soumission d’autant plus importante que la femme est jugée de « race » inférieure…
Christelle Taraud, La sexualité dans les colonies françaises
Cette période coloniale a laissé des traces jusqu’aujourd’hui, car elle a largement marqué les imaginaires. En tant que femme noire, je ne pouvais pas passer sur cette spécificité de la violence masculine à l’encontre des femmes racisées. Malheureusement, ce mépris racial conforté de sexisme a durablement instauré l’idée de corps féminins racisés soumis et sexuellement à disposition.
la domination sexuelle, dans les espaces colonisés comme dans les Etats-Unis de la ségrégation, fut un long processus d’asservissement produisant des imaginaires complexes qui, entre exotisme et érotisme, se nourrissent d’une véritable fascination/répulsion pour les corps racisés. Ceci explique pourquoi les multiples héritages contemporains de cette histoire conditionnent encore largement les relations entre populations occidentales du Nord et celles ex-colonisées du Sud.
Ouvrage collectif (Pascal Blanchard, Christelle Taraud, Dominic Thomas, Gilles Boëtsch, Nicolas Bancel) « Sexe, race et colonies »
Diversité des personnalités, aspirations, rêves
Malgré le carcan dans lequel certains psychologues tentent de les enfermer, les femmes ont des personnalités bien différentes les unes des autres.
Les femmes ont différentes personnalités ce qui inclut très souvent des traits de personnalité considérés comme masculins. Ainsi, quand une femme se montre aventureuse, ambitieuse, énergique, Don Juan ou robuste elle court le risque de se voir dépréciée. Alors que ces mêmes caractéristiques sont considérées comme positives lorsque c’est un homme qui les arbore, pour une femme c’est synonyme d’autoritarisme, « fille facile », « garçon manqué ». « Féministe » devient même synonyme d’insulte. Les différentes personnalités des femmes les amènent à développer une multitude de compétences pour se consacrer à différents métiers. Ou, à réaliser des choix de vie différents tels qu’avoir des enfants ou décider de ne pas en avoir. Les femmes qui s’acheminent vers ces voies doivent affronter le sexisme pour vivre en accord avec elles-mêmes.
L’orientation sexuelle des femmes n’est pas nécessairement hétérosexuelle. Les femmes peuvent être bisexuelles, asexuelles ou homosexuelles. Le monde des humains et de la sexualité ne se limite pas à sa fonction reproductive. D’ailleurs, des études ont démontré que l’orientation amoureuse n’est pas liée aux hormones ou aux gènes. On peut donc être une femme et en aimer d’autres. Nos désirs, nos besoins d’amours, de tendresse ne rentrent pas tous dans le schéma reproductif. La vision binaire, hétéronormative de nos sociétés cause des ravages dans le psychisme de ceux qui ne rentrent pas dans le moule.
Qu’est ce qu’une femme ? Un rôle fasconné par des siècles de patriarcat à des fins d’oppression
Qu’est-ce qu’une femme ? La définition biologique ne suffit pas à expliquer seule ce qu’est une femme. Le biologique ne fonctionne pas totalement en vase clos. En réalité, esprit, biologie, environnement, culture se façonnent l’un l’autre continuellement.
Quelle est la part d’innée ou d’acquis dans les comportements féminins observés par la psychologie ? L’Homme est un animal social, difficile de séparer corps est esprit. Nos cellules sont le fruit de la génétique et de notre conditionnement socioculturel. Les techniques de biofeedback montrent dans bien des domaines comment notre corps se transforme en lien avec les stimulations de notre environnement et de nos pratiques. Par exemple, la méditation transforme en profondeur nos cerveaux. La génétique elle-même est influencée par le social. Le genre féminin s’est construit en extrapolant sur des réalités biologiques c’est une certitude. Mais certains des caractères sexuels secondaires féminins ont bien pu être induits par le conditionnement de genre et la domination masculine . Alors, quelle est la part de naturel et de culturel dans la féminité ? La question reste ouverte et de nombreux spécialistes étudient le genre pour y répondre. Je vous laisse vous faire votre propre avis.
La certitude que nous pouvons avoir après ce tour d’horizon des femmes du monde, c’est que les femmes sont toutes différentes. De là, nous pouvons en conclure que l’essence féminine telle qu’elle nous est présentée continuellement est principalement le produit de siècles de patriarcat. Non, les femmes ne sont pas nécessairement des êtres frêles et sensibles rêvant du prince charmant. La palette des personnalités féminines est infiniment plus large. C’était bien tenté de s’appuyer sur des réalités biologiques pour bâtir un mode d’organisation sociale inégalitaire. Mais la biologie a ses limites pour définir l’humain. La binarité des genres est un construit social simplificateur qui oublie une partie de l’humanité (les transgenres), en asservie une autre (les femmes) pour contraindre la partie restante à jouer le rôle d’oppresseur (les hommes). En définitive, personne n’y trouve son compte.
Il nous faut lutter contre les clichés de genre pour permettre à chacun d’être libre d’être la personne qu’il souhaite être. Il est urgent d’agir, car partout dans le monde les stéréotypes de genre conduisent à la domination et à des agressions psychologiques et physiques à l’encontre des femmes.
Les femmes sont unies par delà leurs différences en raison de la nécessité du combat féministe
Je ne vais pas finir cet article sur une vision victimaire de la femme. Car les femmes sont fortes. Grâce à des décennies de lutte féminisme qui doivent se poursuivre, elles se libèrent du joug de la domination masculine. Il faut poursuivre les efforts pour émanciper les femmes du monde et lutter contre les violences qu’elles subissent.
L’émancipation des femmes doit passer par la libéralisation de leurs corps et de leur sexualité. Les femmes doivent se réapproprier leur corps. Le corps féminin n’a pas pour fonction de satisfaire au désir des mâles hétérosexuels. Il est le temple de leur esprit durant leur passage sur terre. Au lieu d’en avoir honte, elles doivent l’accepter et le chérir pour elles-mêmes.
Le combat féministe doit se penser au pluriel avec l’union de toutes. Les différences de chacune doivent être prises en compte. Notre identité sociale est multidimensionnelle. Elle s’articule avec le genre, l’origine sociale, l’ethnie… Aucune de ces facettes ne devrait être ignorée, car elles conditionnent notre positionnement dans les rapports de pouvoirs sociétaux. Les inégalités sociales doivent être combattues dans leurs ensembles. Il faut promouvoir la solidarité au féminin avec la sororité pour s’unir dans nos différences. Le féminisme se doit d’être intersectionnel.
très émue………merci Sandra pour ce travail de recherche et si bien ‘exposé’…..merci, merci
Que d’émotions en lisant ce texte. Quel constat ! Et dire que ce n’est toujours pas fini. Le tourisme sexuelle existe toujours. La société patriarcale est tellement ancrée dans notre culture, qu’elle est véhiculée aussi bien par les hommes que par les femmes.
Bref, il y a tant à dire. Merci cet article très complet, inspirant. Et qui donne envie de se battre (terme guerrier, malheureusement, je n’en trouve pas d’autre devant une telle infamie) pour faire changer cette vision de la relation humaine genrée et pour équilibrer notre société dans des relations d’égales à égales entre tous les être humains, quelque soit leur sexe, leur couleur de peau, leur tendance amoureuse, etc.
Comment avancer dans cette direction est une question permanente, pour moi.
Bises et à bientôt, j’ai hâte de lire d’autres articles aussi bien documentés sur ce sujet.
Hello ! Article très riche sur un sujet qui me touche beaucoup ! Merci !
Je rejoins les compliments sur l’article . Très bien documenté, très bon choix des illustrations et des citations (j’adore en particulier celle de Morgan Freeman).
Personnellement, je ne me reconnais pas dans cette mentalité de patriarcat, de domination masculine, malgré mon statut d’homme blanc qui s’approche de la quarantaine (rien à voir avec l’épidémie ). Mais je la vois bien au quotidien, et parfois je la subis. Ce cadre est tout autant affublé d’injonctions sociales de masculinité et de virilité qui, même si leur finalité semble avantageuse pour les hommes, ne leur convient pas à tous, voir même, peut devenir source de mal-être, ou de marginalisation pour ceux qui n’y adhèrent pas.
La mentalité commence aussi à bouger côté masculin, et je pense que, tout comme le féminisme, ces mouvements de remise en question évolueront bien mieux ensemble, avec l’intérêt bienveillant de l’autre genre, plutôt qu’independamment ou en opposition. Petit exemple intéressant avec le podcast https://www.binge.audio/category/les-couilles-sur-la-table/
Et encore bravo pour l’article
Merci pour ton commentaire. L’injonction de virilité faite aux hommes, voilà une autre vaste problématique !J irai écouter le podcast !
Super article, très agreable à lire. Tu mets en evidence la complexité de la question des femmes dans ses multiples dimentions sociales ,ethnique, genrées. Toujours en 2020 ces questionnements perdurent et necessitent d’être mis en lumière. Et puis finalement c’est même la question du Feminin qui est posée et qui implique du coup les hommes et les femmes. Comment renouer avec sa feminité en tant qu’homme et en tant que femme ? Sans chercher pour autant l’égalité puisque nous sommes de fait differents et même différentes les unes des autres.
Alors finalement pour moi la question est de renouer avec soi meme, mettre en valeur nos belles différences sans chercher l’égalité mais plutot la justice. Vaste sujet !
J’ai hâte de lire ton prochain article 😉