Les blagues racistes, ciment de la diversité ?

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« Non, mais elle voit du racisme/sexisme partout celle-là, vraiment aucun humour. » Dixit le relou du coin avide de blagues racistes.

Rire de vannes racistes sur eux, voici l’injonction à laquelle sont soumises les femmes et les personnes issues des minorités en France. Idem pour les femmes avec les calembours sexistes. Gare aux sensibleries excessives qui vous vaudront d’attirer foudres et moqueries en cascade. Au mieux vous passerez pour quelqu’un de susceptible dénué d’auto dérision, au pire pour un infâme complotiste anti-Charlie. Eh oui, votre mine déconfite peut vous conduire loin donc riez jaune les amis en toute circonstance. Tel est le nouveau politiquement correct.

Mais ne vous méprenez pas en lisant ces lignes. Bien que soupe au lait, je sais rire de moi-même. Alors, rire de nos défauts ensemble, je dis oui. Rire pour tourner en ridicule des idéologies stigmatisantes et des essentialismes à deux balles, je dis oui. Mais là où le bât blesse, c’est quand tu ressens que l’auteur du gag douteux croit à la véracité du stéréotype qui sous-tend son bon mot.

À mon sens, les blagues racistes et sexistes nous divisent ou cimentent la diversité. Je les classe en trois grandes catégories  :

 

Blagues racistes et/ou sexistes qui stéréotypent les minorités nous divisent

Ce sont les blagues qui tournent en dérision une particularité supposée prédominante dans un groupe donné. La mécanique humoristique repose sur le fait de grossir le trait. L’ennui est que la singularité exagérée est tout simplement raciste alors que l’effet d’humour se fonde dessus.

En plus de n’être pas vraiment drôle pour celui qui n’adhère pas à l’idée reçue qui est sous-entendue, je les trouve dangereuses. Car elles contribuent à faire circuler lesdites banalités offensantes sous couvert de  » c’est qu’une blague inoffensive ». Ce faisant, des essentialismes machistes, xénophobes et des stigmates racistes perdurent puisqu’ils sont transmis de génération en génération sous forme de plaisanteries grotesques.

Par exemple, toutes les blagues qui reposent sur les performances physiques des noirs : rythme dans la peau, appétit sexuel, messieurs bien membrés, forts en sport… Soyez clairvoyants, ces poncifs bien que positifs sont racistes et néfastes.

Pour s’en convaincre, il suffit de revenir à leur genèse. Le colon dans sa grande mansuétude avait attribué à l’Homme noir ces qualités pour mieux mettre en exergue son animalité et infériorité intellectuelle. La majorité des bons mots sur les afro-descendants s’appuient toujours sur des idées coloniales. À ce sujet, je vous conseille l’excellent livre Les Noirs dans l’Histoire : Clichés et préjugés de l’époque coloniale à nos jours de Serge Bilé et Mathieu Méranville.

Parfois, c’est une généralité indiscutablement négative qui est utilisée. Pour les noirs, ce sera l’odeur, la sauvagerie, la paresse, la bêtise… Pour les Arabes, on évoquera la violence, le vol, la dangerosité, la misogynie, le fanatisme… Pour les femmes, on parlera de la frivolité, d’hystérie, d’inconstance… Je pourrais continuer ainsi indéfiniment tant notre société est prolifique en poncifs en tout genre sur tout ce qui diverge du mâle blanc dominant.

Au-delà de l’image négative de base, ce qui rend ces blagues inconvenantes est l’attitude de leurs auteurs. Le fait qu’il manifeste une croyance en la véracité du stéréotype. Comment le voit-on ? Parce ce qu’il se sent souvent obligé de se justifier en ajoutant « un peu d’autodérision que diable ». Eh bien non, on ne peut pas faire preuve d’autodérision sur un trait qu’on nous prête par racisme. Si tu m’imites avec un accent africain à la Michel Leeb ou que tu me fais une diatribe sur la paresse des noirs, je serais hostile.

Pour ces plaisanteries offensantes qui font uniquement rire leurs auteurs aux dépens d’autrui, nous devrions pouvoir nous offusquer. Et je pense même qu’il est de notre devoir de déconstruire le propos … avec humour. Ce qui nous conduit au second type de blagues racistes et sexistes.


Les blagues racistes et sexistes qui nous rassemblent en dénonçant les clichés

Je suis particulièrement adepte de ce type de blague. Dans ces envolées comiques, nous sommes sûrs que le postulat de  base est décrié. En effet, c’est l’absurdité du cliché qui sert de mécanique humoristique.

La frontière est assez ténue alors comment les repère-t-on ? Tout d’abord, en connaissant l’auteur de la boutade et les valeurs qu’il porte. Et ensuite parce qu’il prend la peine d’instaurer une connivence avec son auditoire. Du coup, on est dans un esprit de « rire avec » plutôt que de « rire de ».

Par exemple si Mr Macho glousse en me sortant « non, mais attends, c’est comme si on donnait le volant à une femme », je vais tendre à croire que sa blague est sexiste. Je vais alors lui servir mon petit sourire poli assorti d’un hochement de tête désapprobateur. Alors que si c’est ma pote Nelly, grande féministe qui me sort la même phrase en imitant Mr Macho, je vais penser : « Voici, une blague sexiste qui ridiculise les sexistes Ah! Ah! Ah! » Car oui, c’est ainsi que je ris franchement et gaiement, en faisant des « Ah! Ah! Ah! »

 

Les blagues « légèrement » racistes et sexistes qui nous font rire ensemble et cimentent nos liens

Gad

Terminons par les blagues où effectivement on caricature une caractéristique supposée d’un groupe donné. Mais c’est drôle parce qu’avec ce genre de mots d’esprit, on ressent clairement de la bienveillance derrière la moquerie. Elles sont si empreintes d’une sorte de tendresse pour l’objet moqué qu’elles finissent par l’encenser. Les clichés sur lesquels elles reposent sont généralement bien plus fins et justes que ceux utilisés par les blagueurs de la première catégorie.

Par exemple, il peut s’agir d’un accent finement imité. Ou encore d’une caractéristique culturelle répandue dans un groupe donné : les noirs aiment le poulet, les algériens sortent souvent leur drapeau, les Congolais et leur sape… Ces blagues font du bien. Nous avons tous besoin par moment que quelqu’un nous fasse descendre de notre pied d’estale. En mettant à nu nos fêlures, on permet à l’autre de nous approcher. Les humoristes qui parviennent à réaliser ce fragile équilibre (tourner en dérision sans blesser) sont de vrais virtuoses de l’humour : Gad Elmaleh, Jamel Debouze, Omar Sy, les inconnus…

 

Pour finir…

En résumé, certaines blagues clichées nous rapprochent, car elles moquent le racisme/sexisme ou sont pleines de tendresse. D’autres me hérissent les poils. Elles méritent d’être déconstruites, car les idées sur lesquelles elles reposent ont conduit des âmes perdues à exterminer, exproprier et asservir des Hommes. Elles sont un véritable fléau pour la diversité.

Finissons maintenant sur une note joyeuse avec une sélection de vidéos bien marrantes qui flirtent habilement avec les idées racistes/sexistes.

 

Clichés sur les femmes

Clichés sur les noirs

 

 

Clichés sur les asiatiques

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