Comment réussit-on à se faire une place au soleil quand on est une minorité visible? Cette question, chaque personne qui s’est un jour sentie différente a dû y penser. De l’enfant athée fréquentant une école catholique, le jeune ambitieux venant d’un milieu populaire, la grosse sur une plage de minces, l’homo dans une équipe de foot hétéro, le gitan dans une société sédentaire au noir dans un monde de blancs. Puis-je réussir alors que ma différence est stigmatisée par le groupe majoritaire ? Étant donné que nous sommes tous différents, cette problématique nous a tous plus ou moins concernés à un moment donné. Bien sûr si vous êtes un homme, blanc, hétérosexuel et en pleine forme, vous avez moins de chances d’être concernés, mais aussi moins de chances d’être là à me lire. Constat bien triste, car c’est bien vous qui pourrez résoudre ce problème grâce à plus d’ouverture d’esprit et moins de racisme ordinaire.
Le film Dear White People réalisé par Justin Simien parce qu’il traite de ce problème avec humour par le prisme de la question noire est un incontournable pour ceux qui rêvent d’une société plus diverse où chacun a les mêmes chances de réussite sociale. Je l’ai donc vu avec un excellent a priori, mais comme Many Chroniques, Hushpuppy et Bergeracois l’ont exprimé dans leurs critiques, je n’ai pas vraiment accroché pour pas mal de raisons (attention spoilers).
Des punchlines qui dénoncent habilement le racisme ordinaire, seuls moments jouissifs du film
Les répliques les plus cinglantes du film ont servi à construire sa réputation grâce au compte twitter @DearWhitePeople. Après avoir visionné le film, je peux affirmer que les seules répliques cinglantes et intelligibles pour quelqu’un non originaires des USA sont celles qui ont servi à faire mousser le film. Le reste est insipide ou bourré de références culturelles insondables pour les non-noirs américains.
Des stratégies face au racisme ordinaire peu crédibles
On distingue 3 attitudes employées par les noirs pour survivre dans un monde de blancs dans le film (je rappelle que c’est la sous-thématique du film).
Le noir révolté qui n’a pas peur de rappeler aux blancs son statut d’oppresseur du siècle dernier et les réminiscences de cette période aujourd’hui. L’affirmation de ses différences et le combat antiracisme est pour lui la seule voix vers la réussite. Dans cette catégorie, j’ai nommé Sam White et sa clique.
Le noir acculturé qui n’adhère pas à la culture noire, s’identifie aux codes dominants, probablement complexé il s’éloigne au max de la communauté noire pour réussir. Dans cette catégorie, on retrouve Coleandra Connerset dans une moindre mesure la Sam White de la fin du film.
Le noir soumis qui accepte d’être exotisé par la majorité ethnique, d’être le noir de service pour plaire aux blancs, intégrer le système et prouver qu’il peut réussir. Dans cette catégorie, on trouve Lionel Higgins et Troy Fairbranks
Ces trois attitudes bien qu’assez originales au cinéma qui se contente de nous montrer des minorités stéréotypées je pense qu’elles forcent le trait et sont très réductrices.
Un florilège de personnages multiculturels qui sortent des représentations stéréotypées habituelles
On a dans le film des personnes de toutes les couleurs dans une université à dominance blanche et hetero. C’est rafraîchissant de rencontrer autant de diversité à l’écran. Ce qui l’est encore plus c’est que tous ces personnages ne sont pas de simples quotas placés là pour être le représentant exotisé de toute une minorité. En clair, ils ne sont pas les noirs, homos, asiat, latinos ou métisses de service.
D’après moi, l’écueil de la caricature des personnages et des situations n’est pas évité, car les personnages sont trop superficiellement traités et les scènes s’enchaînent trop rapidement. À aucun moment je n’ai été pleinement convaincue par une situation ou touchée par un personnage. Déjà, Justin Simien aurait dû se concentrer sur son sujet principal, à savoir le racisme anti noir au lieu de vouloir s’essayer à vouloir aborder l’homophobie, le sexisme, la question noire, le problème identitaire métisse, le colorisme ( … ) dans un seul film. C’est beaucoup trop de thèmes pour un seul film.
Si vous voulez voir un film abordant vraiment la question du multiculturalisme, je vous conseiller plutôt de voir Collision, une merveille dans le genre.
Un film qui désavoue son message contre le racisme systémique
La grande difficulté de la lutte contre le racisme dans une société qui se considère post-raciale est que pour la majorité, cette lutte est aberrante : pas de racisme dans un monde post racial. Conscientiser les porteurs du message raciste comme le fait Sam White dans le film est souvent considéré comme étant de la parano, un manque d’humour ou pire de l’intégrisme communautaire. Généralement en France, cela se traduit par la lamentation « on n’a plus rien le droit de dire sniffe », l’offuscation « j’suis pas raciste, j’ai un ami noir ! » ou encore mon favori, j’ai nommé le larmoyant « faut pas voir le racisme partout ». En gros, ton interlocuteur vient juste de te réduire à un stéréotype débile basé sur ta différence visible et il joue la victime quand tu lui fais remarquer. Il s’arroge le droit de t’enfermer dans une image erronée, basée sur ta supposée race qu’il a de toi parce que (à prononcer avec une voix de gros lourd « on a quand même le droit de rire ».
Du coup, face au racisme ordinaire, les victimes ferment leur gueule et rient jaune. Au mieux, ils sont conscients de ce qui se passe et partage leur frustration sur le portail gouvernemental ou sur Twitter.
À une personne noire, en parlant d’une autre : — C’est ton frère ? — Non, c’est un ami. — Ah vous êtes venus en tribu ? #RacismeOrdinaire
— Enisséo (@enisseo) 5 Août 2015
Ce moment gênant où @Masterfout se tourne vers @michael_tnr et lui dit : « T’as vu ? Y a des nems ce midi à ma cantine ! » #racismeordinaire ❤
— They call me Blue. (@BlueberryCheeks) 9 Juillet 2015
@raritywest Pourtant « VOUS » vous supportez bien la chaleur ? #racismeordinaire
— JohnGoodDindon (@JohnGoodMalik) 2 Juillet 2015
Au pire ils assimilent ces différentes microagressions réductrices jusqu’à en perdre leur propre estime et leur légitimité à appartenir à la communauté nationale comme l’a superbement bien montré le documentaire Trop noire pour être française.
Au commencement du film, Sam White est plutôt du camp de ceux qui veulent lutter et ne laisseront passer aucun acte de racisme ordinaire, aucun propos essentialiste, aucune blague déplacée. Elle a de la répartie, ce qui lui permet de répondre du tac au tac face à ceux qui pris en flag se défendent d’être raciste. Les meilleures punchlines du film viennent de son émission éponyme. Elle va jusqu’à favoriser l’organisation de la fête « faites sortir le négro en vous » au cours de laquelle le racisme d’une centaine d’étudiants blancs de sa fac explosera au grand jour. En voyant ce personnage détonnant de la bande-annonce, je suis persuadée que beaucoup de ceux qui ont déjà subi le racisme – moi la première – ont pensé voir en Sam White une porte-parole.
Malheureusement, on comprend bien vite que ce ne sont que des convictions pour se donner un style et mieux s’intégrer comme métisse parmi les noirs. Dans l’intimité, face à son petit ami blanc réfractaire à son combat antiraciste, Sam White tombe le masque. Elle est en fait une métisse qui veut se donner un genre pour se faire accepter par les noirs qu’elle pense incapables d’accepter son histoire d’amour mixte. Dans les dernières, scènes du film, elle retourne totalement sa veste et cesse le combat parce que la tournure des événements l’a rendu « un peu trop exagéré ». Son comportement invalide totalement toute la thématique antiraciste développée tout au long du film et déçoit ceux qui ont cru à la plus grosse promesse du film.
Pour vous faire votre propre avis sur le film Dear White People, achetez le DVD sur Amazon et donnez votre avis en commentaire.
édifiant !
Super article!
On est tous un jour, une personne minoritaire, il ne faut pas l’oublier !
Bien sûr, les noirs n’ont pas l’apanage de la discrimination. Les normes en cours dans notre société sont si étriquées qu’au final bien peu de personnes y correspondent totalement. Il faut qu’elles évoluent vers plus de diversité.
a paris 19 mon loulou était le seul blanc de sa classe et blond aux yeux bleux de surcroit parmi les petits chinois en majorité et les autres enfants « marrons » comme il disait ; je suis contente qu’il ait pu vivre cette mixité sociale et ne pas avoir peur de la différence entre les êtres humains , dans d’autres banlieues c’était le contraire et même sans mixité …
Je pense que lorsqu’un enfant est minoritaire la confiance en soi est primordiale pour dépasser tous ces racismes ordinaires, petite j’ai été « victimisée » par ma mère française qui nous disait que nous devions faire plus d’efforts que les autres (de part les origines de mon père), que les gens ne nous aimaient pas ….pourtant j’avais les yeux bleux…