Paris – 10 mai 2015, je suis convaincue que cette date, bien que très récente n’évoquera à la plupart d’entre vous qu’un joli dimanche ensoleillé. Pourtant, sa portée va bien au delà d’un ensoleillement pas vraiment exceptionnel pour le mois de Mai. Cette journée était surtout l’occasion de se rassembler une dixième fois pour commémorer à l’unisson l’abolition de l’esclavage et célébrer l’acquisition de la liberté par tous. J’attendais ce jour avec une certaine impatience. Bizarre pour certains dirons ou révélateur de mon caractère engagé pour la cause noire selon d’autres. Ma hâte était avant tout citoyenne, car de telles cérémonies sont l’occasion d’ériger les valeurs de la République en éveillant les consciences. Et ceci, à un moment où ses valeurs sont tellement bousculées par un racisme masqué qui s’insinue au coeur du débat public.
Des commémorations nationales nécessaires à l’unité
Le 10 mai fait parti des 12 commémorations nationales qui rythment la vie de la nation française pour rappeler à chacun ce qui nous unit. Avec elles, nous gardons en mémoire les évènements qui ont fondé notre Histoire et les valeurs qui l’ont guidée. Par elles, nous scellons notre pacte républicain qui autorise le vivre ensemble et transmettons aux générations futures l’amour et le sens de la Nation. Mais pour qu’elles jouent pleinement leur rôle, nos représentants ont le devoir de mobiliser le plus largement possible les citoyens autour d’elles.
Le 10 mai, une commémoration qui se complait dans un entre-soi communautaire ?
Mon empressement pour fêter l’abolition de l’esclavage et la mise au rebut de l’idéologie raciste qui a sous-tendu la traite négrière s’est vite heurté à la difficulté de trouver un programme officiel. Parler de difficulté est même en dessous de la réalité puisqu’il n’y avait pas de programme de ce qui se passe dans la capitale. Bien qu’un comité (le CNMHE) a été créé par décret pour coordonner cette journée, il n’existe rien de coordonné. J’ai donc surfé de comptes Twitter en pages Facebook pour récupérer des infos éparses me permettant de me rendre à ces évènements parisiens apparemment réservés aux initiés.
Je ne vois pas comment un parisien n’ayant pas d’affinités fortes avec l’Afrique et/ou les Antilles ai pu être au courant de quoi que ce soit. En effet, c’est essentiellement sur des médias s’adressant aux communautés afro-antillaises que les informations pour accéder aux manifestations mémorielles étaient diffusées. Il en résulte que le public de ces rassemblements ne représentait pas la diversité nationale.
Mon propos n’est pas de jeter la pierre aux innombrables associations qui se sont bougées pour organiser des concerts, expos, débats et hommages sur l’ensemble de la région parisienne. Je me doute bien qu’elles n’étaient individuellement pas en capacité d’offrir à leurs évènements la couverture médiatique qu’ils méritent. J’en veux bien davantage au CNMHE qui a restreint la visibilité de la commémoration à quelques-uns comme l’illustre la privatisation du jardin du Luxembourg.
A cela s’ajoute le choix de diffuser les cérémonies sur France O, TV5 Monde et Public Sénat. En tant que comité en charge de faire vivre au coeur de la Nation la mémoire de l’esclavage, son devoir était d’inciter à la participation de TOUS, de promouvoir l’ensemble des évènements satellitaires par la publication d’un programme officiel et d’organiser une cérémonie officielle OUVERTE au public.
Quelle belle occasion de sensibilisation manquée ! Au lieu de permettre d’ancrer dans la conscience collective les luttes des esclaves pour la liberté et la nécessité de s’opposer au racisme, cette commémoration n’a fait que prêcher des convertis. Au-delà de nos origines, croyances et couleurs de peau, nous devrions tous nous sentir concernés par ce crime contre l’humanité que fut la traite négrière de 1441 à 1848 et dont la société porte encore les stigmates au travers du racisme.
Le 10 mai, avant tout des débats, discours et concerts pour affirmer la dignité humaine
Ce 10 mai 2015 fut loin de n’être qu’une déception pour moi. Cette journée m’a également permis d’observer le dynamisme du tissu associatif afroparisien. Ce sont véritablement les petites associations qui ont pris la journée en mains. Déambuler dans Paris le 10 mai était donc synonyme de participer à des hommages spontanés donnés par des chanteurs à Saint Michel ou organisés par des collectifs créés pour l’occasion.
Après m’être retrouvée face aux grilles infranchissables du jardin du Luxembourg pour assister à la cérémonie officielle organisée par le CNMHE (qui avait omis de préciser que leur commémoration était sur invitation), j’ai ainsi pu assister au concert Brisons les chaines sur la place de la Nation.
Pour clôturer cette journée, je me suis rendue à la Bellevilloise au concert organisé par le collectif Y’a quoi le 10 mai. Faites moi signe si vous connaissez le nom des artistes photographiés ci-dessous.
Et vous, qu’avez-vous fait le 10 mai?